C'est vers Auschwitz que je me dirige. Cette étape est importante pour moi. Je VEUX voir de mes yeux ce que l'homme peut faire à son frère. Que témoignent les pierres qui ont été foulées par les pas des hommes fous et de ceux qui vont mourir ?
J'arrive tard dans la région et me trouve un bivouac près d'une rivière. Les herbes sont hautes, le soleil brille, je suis loin de l'agitation et je suis heureux d'être là.
Alors que je me repose allongé par terre, j'entends un bruit qui me fait sursauter. Un homme est là, debout, l'air un peu déboussolé. Je suis seul et ma première réaction est la peur. Je me sens vulnérable. Quiconque veut me détrousser peut le faire sans aucune difficulté. Mais nous commençons à discuter en langage universel et je comprends qu'il est en fuite et qu'il se cache. Il était caché dans l'arbre proche de mon campement. Il a contracté de grosse dettes de jeu et par honte a fui sa famille. Nous mangeons ensemble un repas improvisé et nous couchons. Je n'ai pas planté la tente et je dors sur une bâche recourbée sur moi. Au petit matin la bâche est gelée et le café noir ainsi que le soleil nous réchauffent. Je me déleste de chaussettes et caleçons que j'avais en trop en les offrant à mon invité, à moins que ce ne soit lui qui m'ai invité.
Je range mes affaires et me dirige vers l'ancien camp de concentration d'Auschwitz.
Ci-après un mail que j'ai envoyé à mes proches.
09 mai 2011
N 50°01’39,7’’
EO 19°11’55,6’’
Temps : Beau
Moral : ++
Salut vous tous,
Entrez sur google earth les coordonnées GPS et vous comprendrez où je suis.
C’est tout simplement indescriptible. À l’entrée, à la grille, au premier mètre, les larmes coulent toutes seules, une immense énergie baigne cet endroit, le cœur est empli de compassion, le pas se fait lent et les pores pompent. Se laisser aller, se laisser déambuler, regarder ses pas, cette terre foulée par tant d’âmes disparues. Sous un ciel d’été avec des lilas en fleur et des peupliers qui montent, qui montent. Le décalage est là, tout est figé et pourtant, on a l’impression que tout est caché dans les murs, que la brique transpire les meurtrissures. Pas un bruit, pas un grincement, une autre dimension. Et ces trains, ces trains que j’entends depuis hier soir ne peuvent que me mettre dans le bain, vivre comme un témoin une scène trop souvent répétée.
Oui, je suis arrivé hier en fin d’après midi et me suis trouvé un coin perdu près d’une rivière. La moto cachée derrière un arbre j’ai fais la sieste au soleil. Quand un bruit de pas m’a réveillé. Un Polonais de mon âge en fuite et recherché par la police. Il fuit sa famille qu’il a ruiné en buvant et en jouant. Le rêve d’une vie meilleur dans une machine à sous. Malheureusement on sait tous qui gagne. La barrière de la langue est difficile mais nous arrivons à force d’explication à nous comprendre : un mot d’allemand, un autre d’anglais et le reste est gestuelle et mimiques. Mathias n’a rien, il ère son âme sous le coude. Je lui ai offert le repas constitué de riz et de thon en boite. Mais pas besoin de terrasse huppée, nous sommes dans le plus grand jardin du monde et sous le soleil en plus. Je lui ai fais un café et il était heureux. Nous avons passé la soirée ensemble. Je lui ai donné une polaire, un caleçon et une paire de chaussette. C’est toujours ça. Je ne sais combien de temps durera sa fuite, j’espère le moins longtemps possible. Je lui ai proposé de retrouver sa famille et s’excuser, peut être le fera t’il, mais à chacun son temps. Moi j’ai pu lui offrir du chaud dans son cœur et il était heureux une soirée et ce matin j’ai fais room service avec un bon café bouillant.
Bouillant, oui, valait mieux. J’ai dormi à la belle étoile, tu te rappelles Vincent en Italie ? et bien là pareil mais avec la bâche gelée ce matin. Et il n’y avait pas que la bâche d’ailleurs.
Je suis partis hier matin de république Tchèque, après avoir salué une bande de 3 cyclistes suisses arrivés la veille et qui est en partance pour Pekin. On se recroisera peut être en Mongolie, qui sait, le monde est petit. La route était bonne mais j’ai mon cylindre gauche qui clique tique et calamine la bougie. Quelqu’un sait il s’il faut régler la richesse, ou autre chose ?
Je vais reprendre la route pour atteindre l’Ukraine demain je pense. La vie à changé en dix ans en Pologne, le café coute 1,2 €, les routes sont « bonnes » et les voitures neuves. Merci l’Europe. J’ai l’impression d’être en France alors que 10 ans auparavant je pouvais remonter le temps à mesure que l’est s’ouvrait devant moi.
Je vous embrasse fort d’un café bruyant, je fais le plein, je fais des courses et je repars. Prochain plein en Ukraine.
Pour la petite histoire, je n’étais jamais allé autant à l’est par mes propres moyens !!!
A très bientôt, prenez soin de vous.
La terre est sous mes pieds, partout elle l’est.
Michaël
Avant la frontière ukrainienne, je trouve un camping où passer une nuit ou deux. Je profite de la douche chaude, je lave quelques vêtements et je me repose un peu. Après je quitte l'Europe et j'entre dans l'ex-URSS. De l'alphabet je vais passer au Cyrillique. Avant mon départ de France, j'ai pris quelques heures de cours avec une femme russe. J'y ai appris les sons des lettres ainsi que quelques mots essentiels. Lire en cyrillique est complètement différent que de lire l'alphabet. Certaines lettres sont identiques mais n'ont pas le même son. Par exemple N est I, P est R... Je me prépare donc à changer d'univers, à passer à l'est.
Me fuir par le jeu, me fuir par l'alcool ou le tabac, me fuir par la fugue, me confronter à mes fuites et puis me retrouver, être en moi, avec moi, dire oui à cette vie, à ce corps, à mon âme dans mon corps. Ton étape en Pologne mer permet de visiter ce froid de la fuite pour redire oui à la douche chaleur de l'Esprit manifesté ici.